Années 80 : l'expo indispensable
Effervescence et liberté créatives : tels sont sans doute les maîtres mots de cette décennie star et hautement inspirante que sont les années 80. Elles représentent à la fois un vaste pan de notre histoire et un vivier en termes en de références culturelles. L’expo que leur consacre le Musée des Arts Décoratifs (MAD), jusqu’au 16 avril prochain, est donc une étape incontournable en termes de culture générale, d’autant qu’elle croise différentes thématiques, pour mieux appréhender cette époque foisonnante.
Selon le musée parisien, « les années 1980 connaissent un revival puissant. Elles fascinent autant les jeunes designers que les figures montantes de la mode, architectes et décorateurs y trouvent une source d’inspiration infinie (...). Si le phénomène est largement partagé à travers le monde, force est de constater que la scène française occupe alors une place remarquable, portée par la volonté politique d’un renouveau culturel à tous les niveaux ».
Cette décennie historique résonne en France comme un tournant à la fois politique et artistique dans les domaines de la mode, du design et du graphisme, depuis l’élection de François Mitterrand en 1981 jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989.
Claude Montana - Collection printemps-été 1979 - L’Officiel de la couture
et de la mode Février 1979 © Michel Picard / Éditions Jalou
Les années 80 voient naître une nouvelle génération de designers - Olivier Gagnère, Elizabeth Garouste et Mattia Bonetti, Philippe Starck, Martin Szekely… - dans un contexte propice à la liberté d’expression. La silhouette, elle aussi, se libère des injonctions de style et certains créateurs de mode sont élevés au rang de « superstars » comme Jean Paul Gaultier ou Thierry Mugler. La publicité, le design graphique et l’audiovisuel connaissent leurs années fastes avec Jean-Paul Goude, Jean-Baptiste Mondino et Étienne Robial. De la musique new wave au post-punk en passant par le hip-hop : c’est toute une histoire de la fête qui s’écrit dans des lieux mythiques fréquentés par les noctambules du Tout-Paris.
Des thématiques politiques et culturelles
L’exposition est rythmée par trois thématiques qui reflètent le grand télescopage des idées de cette période : une nouvelle ère politique et culturelle, le design en effervescence et le look des années 80.
L’élection de François Mitterrand en 1981 annonce un changement décisif. L’affiche au slogan « La force tranquille » du publicitaire Jacques Séguéla ouvre ainsi une nouvelle ère de communication visuelle et signe l’arrivée du marketing électoral. Quant au ministre de la Culture Jack Lang, il crée la Fête de la musique le 21 juin 1982. Il œuvre aussi à une reconnaissance publique de la mode avec la création de l’Institut français de la mode (IFM) en 1986, l’organisation de défilés dans la Cour carrée du Louvre, les Oscars de la mode...
Jean-Paul Goude - Carnet du bicentenaire de la Révolution française 1989
© Jean-Paul Goude
Les médias et l’audiovisuel connaissent un essor sans précédent. Étienne Robial crée le concept d’habillage télévisuel pour Canal+ puis pour M6 ou encore la 7. Cette multiplication des chaînes de télévision entraîne l’âge d’or du film publicitaire avec des réalisateurs emblématiques tels Étienne Chatiliez, Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino. La presse écrite se transforme aussi, et l’« art » du slogan investit tous les domaines.
L’invention du « look », la folie du « revival »
Un vent de fête et de liberté souffle sur les années 1980 : les défilés se muent en shows spectaculaires, ouvrant la voie aux folles soirées dans des lieux devenus mythiques : Le Palace et les Bains Douches. Dans ces clubs où le paraître est capital et l’excentricité la règle, le Tout-Paris danse sur de la musique new wave, rock et hip-hop. La jeunesse diversifie ses groupes d’appartenance, faisant naître une multiplicité de sous-cultures possédant leurs propres looks.
Soirée Jean Paul Gaultier au Palace -1985 © Guy Marineau
Un phénomène de revival tous azimuts (de l’Antiquité aux années 30) s’empare de la mode. Thierry Mugler ou Claude Montana s’inspirent alors des silhouettes historiques quand Jean Paul Gaultier, Vivienne Westwood ou Chantal Thomass les parodient. À l’inverse, Martin Margiela ou Rei Kawakubo pour Comme des Garçons tentent de déconstruire la notion de vêtement. Les corps athlétiques des mannequins sont moulés dans les créations d’Azzedine Alaïa ou de Marc Audibert, quand les formes amples d’Issey Miyake ou d’Anne-Marie Beretta se veulent architecturales. Avec Élisabeth de Senneville et Jean-Charles de Castelbajac, elles deviennent un véritable support d’expression...
Parmi les créations iconiques : la marinière Jean Paul Gaultier © D.R.
La mode s’empare du vestiaire masculin à l’instar de la célèbre marinière de Jean Paul Gaultier. Les marques grand public inondent l’espace urbain de leurs campagnes publicitaires comme Naf Naf, Kookaï ou Benetton. Au même moment, depuis le quartier des Halles alors en pleine mutation, agnès b. conçoit le vestiaire intemporel de la Parisienne. Le grand défilé anniversaire de la Révolution française en 1989, à qui Jean-Paul Goude donne tout son éclat, conclut le parcours...