En 2021, le grand retour du court ?
Coiffure : Hilena Neto pour Viva la Vie, printemps-été 2021 © Jules Egger
On l’avait senti venir dès 2020, et un certain nombre de coiffeurs et de marques pro avaient déjà parié sur le court, dans leurs collections. Sans parler de ceux qui ont toujours eu un faible pour les coupes de caractère, et qui en ont fait leur signature depuis longtemps… Mais le coronavirus et le confinement sont venus brouiller les cartes : après cette première historique de deux mois d’enfermement, femmes (et hommes) ont été un peu déstabilisés. Ils ont privilégié les longueurs : pas de coiffeurs, pas de prise de risque, pas de coupe !
Couper ses cheveux : c’est maintenant !
Mais aujourd’hui, le vent tourne. A la faveur d’un sentiment de lassitude générale, de réflexions sur nos vie perso et pro, d’envies de changement, couper ses cheveux redevient une option très sérieuse. Et pour le côté entretien, même dans un contexte incertain… on verra bien !
Pour Pierre Ginsburg, qui travaille en free lance au salon Olab (Paris 1er), tout en faisant des formations et en gardant un pied dans la mode, il y a aujourd’hui deux sortes de femmes : « Il y a celles qui recherchent d’abord le côté pratique : on a vécu deux confinements, des restrictions, on ne sait pas ce qui va se passer dans deux semaines, elles privilégient les longueurs, la facilité d’entretien. Et puis il y a celles qui ont envie de changement tout de suite. Elles ont pris du recul sur leur vie perso, professionnelle, quittent leur travail, leur ville, Paris… » Et cela se concrétise dans la coupe.
La coupe garçonne de Jean Seberg : éternelle inspiration... (Ici dans "A bout de souffle", de Jean-Luc Godard © D.R.)
Même constat pour Delphine Courteille, qui attire des femmes de tous styles dans son salon parisien, tout en coiffant sur des shootings mode, des défilés. Elle peut donc réfléchir à la tendance du court à partir de ces deux postes d’observation.
Pour elle, il y a aussi deux sortes d’influenceuses et, derrière elles, deux catégories de jeunes femmes : « Il y a celles qui vivent à Dubaï, qui utilisent des kilomètres d’extensions, qui sont très girlie, cheveux longs et maquillage, typiquement Caroline Receveur ou Nabilla. Et puis il y a les filles un peu plus pointues, plus mode, qui se sont parfois fait couper les cheveux très courts. »
Il y a aussi, ne l’oublions pas, cette tendance gender fluid, sexualité non normée, qui vient rebattre les cartes, chez les Millenials, mais pas que. En témoigne la revisite de la fameuse chanson « 3ème sexe », plus que jamais dans l’air du temps, par Nicolas Sirkis d’Indochine et Christine and the Queens en novembre dernier…
Comme une envie de renouveau
Mais, si les femmes souhaitent de plus en plus « couper court », ce n’est pas seulement pour suivre des influenceuses, des mannequins ou même des stars (Léa Seydoux et sa coupe garçonne depuis cet automne ; Jennifer Lopez et sa pixie cut en couv’ du magazine « Allure » de mars…). C’est, aussi et surtout, pour reprendre la main sur une situation anxiogène et pesante.
La pixie cut de Jennifer Lopez en couv' du magazine "Allure" de mars 2021
« On est à bout ! Cela fait 1 an que l’on est dans cette situation horrible. On n’a presque plus de vacances, on ne sort plus… Couper ses cheveux peut donner le sentiment de tourner la page, cela traduit une envie de légèreté, de renouveau. Alors, oui, on s’oriente vers des coupes garçonne, à la Jean Seberg, des carrés très courts, à porter dans un esprit 90’ avec baggy, créoles, sweat à capuche, ou des néo-mulets, comme celui de Christine and the Queens. Et les jeunes femmes aux cheveux longs, frisés, coupent aussi ! »
Même constat, au niveau des coupes demandées, pour Pierre Ginsburg, qui souligne, tout comme Delphine : « Le cheveu c’est hyper important, surtout que les femmes se maquillent beaucoup moins, souvent que les yeux. Il ne reste plus que ça, et les vêtements… » Et de préciser : « Avec l’arrivée des beaux jours, cette envie de légèreté risque de s’accentuer. »
Garçonne, carré court et nouveau mulet
« Le carré, c’est soit juste au-dessus de l’épaule, soit au niveau de la mâchoire. On note aussi une demande de dégradés, type shag. Et, en ce qui concerne le mulet, poursuit Pierre, c’est à la Miley Cyrus, on est plus entre un shag très poussé et un mulet. Il n’est pas nécessairement hyper court sur les côtés et très long derrière, c’est atténué, plus moderne, plus élégant. »
Le nouveau mulet, version Miley Cyrus © Backgrid USA / Bestimage
Bref, qu’on se rassure, ce n’est pas le retour des « queues de rat » ou des cheveux filasses ! Sans doute aussi parce qu’on a redécouvert le plaisir des coupes pleines ces dernières années. « Il y avait eu des excès, des coupes beaucoup trop dégradées, effilées. Aujourd’hui, les clientes souhaitent revenir à des choses plus légères, dégradées, déstructurées, voire déconnectées, certes, mais sans excès. Et puis on adapte la technique de coupe à chaque cliente, à chaque texture de cheveu, on personnalise. » Et on valorise la matière cheveu.
Enfin, les envies de transformation se manifestent aussi par la couleur. A travers, comme toujours, soit des changements marqués, soit des évolutions en douceur (mais bien visibles) : « On me demande des balayages moins classiques, note Delphine Courteille. Quelque chose de plus clair devant, naturel pour le reste. »
Finalement, notre apparence, et en premier lieu nos cheveux, puisque le reste est couvert, masqué, c’est un peu tout ce qu’il nous reste comme marge de manœuvre, notre seul terrain de jeu… et d’action. Il n’aura sans doute jamais été moins futile de s’occuper de soi qu’en 2021. Aller chez le coiffeur, non seulement on a bien saisi que c’était essentiel, mais c’est presque devenu une question de survie, psychologiquement parlant, après un an d’incertitudes et de privation de liberté…